Taboo

Il ne m’arrive que très rarement de regarder des séries ou des films. Je les trouve ennuyeux au bout de quelques dizaines de minutes. Tout me semble excessif et cousu de fil blanc. Les séries, passé les premiers épisodes qui instaurent une attente, deviennent un sempiternel recommencement et les personnages sont atrocement prévisibles. Cela dit, j’ai tenté récemment de regarder Taboo, une série portée toute entière par Tom Hardy, de la conception à l’interprétation. L’esthétique gothique et brumeuse de Londres au XIXème siècle est remarquable quoi qu’un peu pesante à force et Tom Hardy possède un charisme monolithique qui fonctionne relativement bien – quoi qu’il devienne pénible au bout de quelques épisodes, mais cela paraît inévitable. Cette série m’intéressait surtout en ce qu’elle mettait en scène la Compagnie des Indes orientales et donnait une approche intéressante des relations anglo-américaines au début du XIXème siècle, et de ce point de vue elle est relativement stimulante.

Il semble cependant que cette série ne puisse échapper aux deux travers de l’époque qui sont une fascination malsaine pour la déviance et l’obscène et une génuflexion devant le politiquement correct qui tourne au ridicule. L’inceste et le meurtre horrible font partie intégrante du personnage et  tout est exposé avec une complaisance qui finit par écoeurer sous couvert d’un vague secret que l’on évente dès les premières scènes. On pourrait admettre que cette fascination morbide pour le crime et le tabou fasse partie du concept (d’où le titre, n’est-ce pas), mais le ridicule entre en scène quand est introduit un personnage Noir abolitionniste qui cherche à faire un procès à la Compagnie pour le naufrage d’un navire rempli d’esclaves. Ce n’est pas tant l’anachronisme évident de ce type de vision du monde et le politiquement correct larmoyant qui le soutien que l’affirmation on ne peut plus sérieuse d’une falsification idéologique de l’histoire qui rend la chose effarante. Ce personnage soutient en effet que les pyramides d’Égypte ont été construites par des Noirs et, fort de cet argument, cloue le bec à deux représentants de la Compagnie. Tom Hardy nous fait une magnifique crise de kémitisme aigü. Cela ne pourrait être qu’anecdotique mais se révèle inquiétant car il s’agit d’introduire dans la culure mainstream populaire des notions historiques entièrement fausses et idéologiquement dirigées contre les peuples européens. Pire encore que l’ignorance est l’illusion de la connaissance.