Encore et toujours la barbarie destructrice

À nouveau, Daesh s’est signalé par son mélange de frénésie destructrice et d’inculture épaisse. La cité parthe de Hatra a été tout bonnement rasée au bulldozer. On peut noter au passage à quel point l’État islamique est fanatique : en pleine guerre, il juge essentiel de déployer de l’énergie et du temps pour détruire de vieilles pierres inoffensives. Cette hiérarchie dans les priorités a de quoi faire réfléchir. Cependant, il est inutile de revenir sur la bêtise violente et dangereuse de ces gens bornés et hermétiques à toute forme de civilisation : nous savons depuis un petit moment déjà à quoi nous en tenir quant à cette engeance répugnante. Ce qui me chagrine, c’est la sensation de l’irréparable.

Je l’avoue, je n’avais guère entendu parler de ce site  avant qu’il ne soit détruit. Mais j’en ai vu une photo, et cela a été suffisant : l’endroit était manifestement un site magnifique. Certes, il paraît un peu incongru de se lamenter sur le sort de vieux monuments quand par ailleurs des êtres humains sont massacrés, et si on me demandait de choisir entre sauver la vie d’une victime de l’État islamique et préserver un patrimoine historique, je n’hésiterais pas à condamner la pierre en faveur de la chair et de l’esprit. Mais il n’empêche que la destruction d’un site archéologique de cette ampleur provoque en moi le sentiment de l’irréparable. Il y aura toujours des hommes, mais une fois ces vestiges détruits, ils ne seront jamais reconstruits.

J’éprouve une sorte de tristesse particulière face à ce vandalisme : c’est une chose belle qui a été détruite, une chose ancienne, une chose qui pouvait nous parler. Nous pouvons apprendre du passé, jamais du futur. Ce site était le témoignage de ce dont certains hommes ont été capable, de leur perceptions esthétique du monde. Ce site nous montrait qu’il y avait eu la autre chose qu’une tribu de demi-sauvages fanatisés : il y avait eu des bâtisseurs. Certes, j’imagine bien que tout ne devait pas être idyllique parmi ces hommes du passé, pas plus qu’ailleurs, et que la construction de tels monuments a dû coûter cher en vies et en souffrance humaines. Mais enfin, il y avait là une civilisation, dont on peut penser qu’elle fournissait au peuple qui la vivait des motifs de fierté en même temps que des avantages matériels – autant de choses dont les destructeurs ignares de Daesh ne peuvent même soupçonner l’existence.

Voir, visiter un monument ancien, c’est être en contact direct avec l’Histoire, c’est prendre conscience que nous n’avons pas toujours été, que nous ne sommes pas seuls et définitifs. C’est comprendre qu’avant nous, il y a eu une multitudes d’hommes qui patiemment ont bâti ce sur quoi nous nous appuyons pour être autre chose que des sauvages hurlants. Il faut voir des monuments tels que le Colisée pour comprendre qu’avant nous, il y a eu des hommes extraordinaires dont nous aurons toujours à apprendre. Loin de moi le culte absolu des vieilles pierres et de l’antique pour l’antique, mais je ne crois pas qu’on puisse remplacer le contact direct avec les monuments anciens : face à eux, la civilisation n’est plus une notion abstraite faite de codes, de moeurs, de goûts, d’habitudes et de lois, mais quelque chose de très concret. Quelque chose qu’on peut réellement toucher.

En détruisant un monument de cette ampleur, le destructeur nous coupe de notre base et nous précipite un peu plus vers le vide spirituel et moral.

Sur le sujet, je ne saurais trop vous conseiller d’aller voir chez Cordicopolis et Chroniques Désabusées :

Barbares modernes

Parallèle avec les socialistes

 

 

2 réflexions sur « Encore et toujours la barbarie destructrice »

  1. Je découvre un peu tardivement votre blog étant plutôt très occupé depuis janvier…
    Je viens juste de m’apercevoir (et de valider chez moi votre « ping »…) que vous faisiez référence à mon établissement. Je vous en remercie !
    Je constate avec plaisir que votre blogroll correspond, dans son entier, aux sites que je fréquente régulièrement, le vôtre en fera dorénavant partie !
    Bonne continuation.
    Au plaisir.

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