De la servitude volontaire

J’ai vu récemment que Frédéric Beigbeder se plaignait de ce que Facebook avait censuré une photo qu’il avait postée sous le prétexte qu’on y voyait un téton de Mireille Darc. Je crois me souvenir qu’en son temps, un autre phare de la pensée occidentale, à savoir Yann Moix, s’était plaint de la suspension de son compte, ce qui l’empêchait de partager ses idées et de dialoguer avec le monde. Ici et là j’ai pu lire des réactions indignées sur Twitter de gens probablement sincères mais d’une désarmante naïveté.

Voyez-vous, Facebook n’est pas un service public et ne vous fait rien payer. Ce que fait l’ami Zuckerberg, c’est de mettre à la disposition de qui le souhaite sa plateforme pour y étaler ses états d’âmes.  Facebook ne doit strictement rien à ses utilisateurs, sinon l’assurance que le service fonctionne correctement du point de vue technique, et encore. Les utilisateurs ont tendance à l’oublier, mais lorsqu’ils acceptent les conditions d’utilisation de FB, ils cèdent leurs données (qui n’ont jamais si bien porté leur nom) à l’entreprise qui peut en faire ce que bon lui semble, sans autres limites que celles imposées par la loi californienne, puisque c’est en Californie que se situent les serveurs. Notez au passage que la Californie ne reconnaît pas le droit à l’image que nous connaissons en France, et il s’ensuit que n’importe laquelle de vos photos peut être utilisée ou vendue par Facebook. Pour le dire simplement, vous n’avez aucun droit sur votre profil et sur tout ce que vous postez. Zuckerberg est chez lui et fait ce qu’il veut, que cela vous plaise ou non, et sa situation de monopole vous empêche d’aller voir si la concurrence n’a pas mieux à proposer.

Facebook est un exemple particulièrement frappant de servitude volontaire, chaque utilisateur s’enchaînant en fournissant de son plein gré les données qui le lient au tyran, tyran idéologique qui agit sans brutalité mais avec pugnacité et efficacité. Pensez comme Zuckerberg ou allez vous faire voir, après tout, vous êtes libres. Sous ses allures sympathiques, Facebook est une immense machine à formater les esprits et à collecter des données, lesquelles constituent un trésor d’une valeur absolument colossale et peuvent le cas échéant être utilisées contre vous. Si vous utilisez Facebook, vous n’avez pas le droit de vous plaindre, vous avez été prévenus du pacte faustien que vous avez signé. L’idéal est bien sûr de ne pas avoir de profil, car le paradoxe de ce géant est qu’il ne tient sa force dictatoriale que du consentement imbécile de la masse d’une population narcissique en diable qui n’est au fond enchaînée par nulle autre chose que son ego. Si les utilisateurs partent, le château de cartes s’écroule – à ceci près que les données collectées au fil des années restent conservées dans les serveurs et peuvent toujours avoir une certaine utilité.

À chaque fois que vous faites quelque chose, le mieux est encore de vous poser une simple question : de qui nourrissez-vous le rêve en agissant ainsi ? Quand vous utilisez Facebook, vous nourrissez le rêve de Zuckerberg, et en plus le prix a payer est immense comparé à ce que vous pouvez en retirer. Essayez plutôt de nourrir votre rêve à vous, quel qu’il soit. Et si vous devez absolument utiliser Facebook, rappelez-vous toujours que c’est un maître capricieux qui vit de ce que vous lui donnez mais ne transige jamais avec sa morale, qui n’est peut-être pas la votre.

 

 

4 réflexions sur « De la servitude volontaire »

  1. les données….vaste question que celles des données….
    qui sont collectées de façon quasi réglementaires
    et qui se retrouvent dans des bases

    arrétons nous sur ces deux mots
    données et bases

    données?
    mais je ne donne rien, mon bon ami , devrait on lancer au petit chaouch qui vous demande votre numéro sécu ,votre adresse mèle ( méli mélo? non? alors pourquoi mèle? mail ,peut être ? maïmle plutôt ….oui c’est ça , maïle , comme malle , une malle , un coffre, celui où voyageaient les dépêches du courrier , royal ou roturier , chez nos prédecesseurs , au siècle des lumières) et votre numéro de portable ( ce qui m’irrite aussi , passons, tout est portable, même le sac à main , et les actions, oui oui , il y a des actions au porteur )
    non, je prête , et encore, mes données s’appellent « revient »
    et leur deuxième prénom c’est « toudsuite »

    base,maintenant
    une base, c’est l’endroit où sont parqués les militaires et leurs impédimentas en attendant de frapper
    là où ces mêmes militaires s’entraînent et parfois , fomentent des aktions
    en gros l’endroit où ils bossent
    un ergastule , quoi
    j’ignore par contre qui sont les maîtres chiourme et les lanistas qui surveillent toutes ces données , simplement prêtées , mais je forme des voeux pour que les données puissent s’évader
    genre « soeurs données ! données sans espoir de revenir aux origines! brisons les chaînes du travail servile ! évadons nous ! ce soir , comme spartakus , nous surinerons les logiciels qui nous enserrent et nous nous répandrons dans le ouèbe et nous brûlerons tout sur notre passage ! allez! aiguisez vos cuillères! (il est bien connu que les taulards s’évadent en usant de cuillères transformées en armes et en excavatrices) »

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    1. Je ne suis pas sûr que vous prêtiez vos données. Qui vous les rendra ? En vérité, nous sommes définis par nos données aux yeux de la machines et du système, qui finissent par nous faire croire que nous ne sommes rien d’autre.

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